" Rien ne peut être aussi sombre que l'âme de Cri de Détresse. Outre ses actes impardonnables, son dur passé est avant tout la première cause de sa noirceur. Jusqu'à il y a bien longtemps. Jusqu'à ce qu'il rencontre une douce femelle, lui offrant l'hospitalité.
Il avait marché jour et nuit, nuit et jour. Ses pattes ne le tenaient quasiment plus. Tout espoir de survivre l'avait quitté. Même si son esprit, lui, ne désirait pas quitter ce pays de cette manière. Jadis un guerrier mémorable, désormais, il n'était plus que l'ombre de lui-même. Son manque de pratique l'avait réduit à l'état d'un novice en combat. Cela, il le savait, il en avait très bien conscience. Mais de quelle façon pouvait-il reconquérir cette force et cette bravoure ? Son clan l'avait chassé. Les siens lui avait vilement tournés le dos. Que lui restait-il ? Un passé admirable, certes, mais cela restait une chose qui ne lui permettait pas de redevenir ce qu'il était. Ses griffes étaient usées ; Son poil était souillé par la boue et les sangs de ses proies. Proies qu'il avait attrapé seulement par leur inattention, et non par son expérience.
Et puis, un soir, son corps, incapable de le soulever, s'écrasa de tout son poid sur le sol. Ses paupières, trop lourdes pour être portées, se fermèrent. La vie allait-elle le quitter ? Non. Son heure n'était pas arrivé. Malgré son allure de vieux chat, il ne fallait pas renoncer. Quelqu'un devrait l'aider, car remonter la pente seul lui était désormais impossible. C'est à ce moment précis qu'une douce odeur envahit sa truffe. Un autre félin le regardait, probablement joyeux. Tout à coup, une paire de croc s'enfonça sans le blesser dans la graisse de son cou, le traînant. Puis soudain, il tomba sur un lit de feuilles soyeuses, comme il n'en avait jamais vu. Là, il s'endormit, tel un chaton auprès de sa mère.
Plus tard, il ouvrit les yeux. Une sublime chatte se tenait devant lui, poussant avec peur un délicieux lièvre en sa direction. "Mange" lui avait-elle susurré à l'oreille. "Sinon, tes forces te quitteront et je ne pourrai t'aider". Déboussolé, Cri de Détresse se releva brusquement. Une de ses pattes était entouré d'un bandage en toiles d'araignée. Qui était donc ce mystérieux individu le sauvant d'une fin atroce ? Il n'en savait strictement rien. Il savait juste que remercier était la meilleure des solutions. "Merci", murmura-t-il. Ce n'était certainement pas dans ses habitudes de démontrer sa gratitude. Il s'attaqua alors au gibier, à l'odeur enivrante. Le goût de la chair fraîche l'avait tellement hanté.
Enfin rassasié, il se leva. Contrairement à ce qu'il aurait pu penser, ses pattes le soulevèrent sans trop de peine. Sa vision était parfaite ; Son poil était propre. Un amoncellement de questions prit place en son esprit. Pourquoi cette chatte l'avait-elle sauvé ? Pourquoi l'aidait-elle ? Confus, il sortit de la tanière pour rejoindre un félin se reposant au bord de l'eau. Il entama avec sa sauveuse une vive conversation.

- Bonjour. Qui es-tu ?
- Une chatte dont tu n'as pas besoin de connaître le nom.
- En es-tu sure ?
- Assurément.
- Je voudrai tout de même savoir qui m'a sauvé de la mort.
- Quelqu'un que tu connais plus que tout au monde.

Là, elle se tourna, et le visage de Cri de Détresse se crispa. C'était Daim, la femelle qu'il avait toujours aimé. Celle qui l'avait accompagné mille et une fois en patrouille de chasse. Que faisait-elle, reculée de toute troupe de félins ? Avait-elle aussi été chassée ?

- Que fais-tu ici ? Tu es censée être au clan ! Par pitié, ne prends pas la même voie que moi. J'ai été stupide.
- Je l'ai fait car je voulais te revoir. Tu hantes mes rêves depuis bien des lunes. Tu es mon ami. Tu es l'Ami.
- Mais, pourquoi ?
- Je ne voulais pas te perdre, comprends-tu cela ?
- Non ....

Là, il enfourna sa truffe dans son pelage. L'aimait-elle aussi ? Il devait en avoir le cœur net.

- Je t'aime.
- Moi aussi.
- Dorénavant, appelle moi Renouveau. car grâce à toi je me sens revivre. Tu m'as sauvé, et je vais pouvoir vivre à tes côtés.
- Oui.

Ainsi, Renouveau s'allongea auprès Daim. Une larme perla de son œil, venant s'écraser sur la patte de sa compagne.

Selon la légende, Renouveau est mort. Enfin, va savoir s'il a réellement vécu. Personne n'en est sur, peut-être est-ce un récit destiné à effrayer les chatons ; A empêcher les félins de déserter leur clan. "

Là, la vieille chatte cessa de raconter son histoire, sombrant, elle et son chaton, dans un grand sommeil. Malgré sa grande sagesse, elle s'était trompée. Renouveau arbore encore et toujours la forêt, avec sa compagne. Il n'est pas mort ; Il n'est plus question pour lui de saccager l'équilibre de la forêt ; Tout ce qui lui importe, c'est sa dulcinée.